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le devoir

sidéraient tous deux comme deux êtres à part, d’une essence spéciale, au-dessus des banalités courantes et des faiblesses de la chair.

Or, la veille de leur départ, ils firent une dernière promenade. La nuit, une belle nuit d’octobre, était claire, et la masse des arbres se reflétait nettement sur les allées et sur les pelouses. Entre les branches, la lune tremblait ; comme bruit, de temps en temps, ce souffle qui agite les feuilles ainsi qu’un frémissement de froid.

Tout à coup, comme ils débouchaient dans un carrefour, des voix s’élevèrent. Ils s’arrêtèrent, masqués par des fourrés, et aperçurent de l’autre côté, assise sur un talus, une femme, et près d’elle, à ses pieds, un homme étendu. Ils reconnurent Mme Stifler et Georges d’Eslainville. Lucienne voulut s’éloigner, mais Chabreuil la retint et ils restèrent.

D’abord quelques paroles sans suite leur parvinrent, puis ils ne distinguèrent plus rien, et ce fut un murmure très vague qui se mêlait aux bruissements du silence.

Mais ce murmure, faible comme une haleine d’enfant endormi, devint seul perceptible pour eux. Il leur déroba les craquements du bois, les