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le devoir

retrouve certes avec un bonheur plus parfait.

Il prit les mains de sa vieille amie et les embrassa respectueusement.


Jusqu’à la fin de leur séjour ils se ménagèrent de longs tête-à-tête qu’ils s’efforçaient, sans trop savoir pourquoi, de cacher à Mme d’Estainville et à ses invités. Leurs rencontres avaient ainsi une apparence de rendez-vous qui les ravissait. Chabreuil attendait au coin d’une avenue, Lucienne le rejoignait, essoufflée, un battement au cœur. Et ils allaient vers le bois dont les feuilles commençaient à joncher la mousse des sentiers. Ils marchaient à petits pas, appuyés l’un sur l’autre, elle emmaillotée dans un gros châle en laine, lui enfoui dans son ulster au col relevé. Sur chaque banc il se reposaient. Puis ils continuaient leur route, évoquant le passé avec des phrases lentes et pensives, reconstruisant sans trêve ni lassitude l’histoire minutieuse de leurs deux mois d’amour.

Et ils ne cessaient d’exalter leur sacrifice, ils lui attribuaient le charme de leurs relations actuelles. Il acquit à leurs yeux l’importance d’un acte sublime, un peu surnaturel, et ils se con-