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roméo et juliette

Puis c’est le cimetière ; au fond de la scène une église se dresse, et des bruits de clochette tintent lugubrement dans le silence de la nuit. Les tombes s’argentent de la pille clarté qui descend du ciel, et sur une grande pierre blanche, toute blanche aussi, Juliette dort de l’éternel sommeil…

« Pour la dernière fois, de sa douce présence,
« Savourez le bonheur ineffable, mes yeux.
« Enlacez-vous, mes bras, en vos derniers adieux,
« Et le sceau du marché qu’à la mort je propose,
« Sur cette lèvre enfin que ma lèvre le pose.
« Viens, guide répugnant, guide amer, poison, viens ;
« De la barque épuisée achève les destins ;
« Ô pilote de ceux qui n’ont plus d’espérance,
« Aux brisants de la mort que ta pitié me lance.
« Il en est temps, buvons. Ma bien-aimée, à toi !
« Un baiser et je meurs. »


Et j’ai bu, et je me suis jeté sur elle, et alors… vous comprenez,…son corps contrôle mien,… j’ai perdu la tête… j’ai tout oublié, Shakespeare Juliette, les spectateurs, les jeunes filles… je ne sais pas comment… j’ai cru que j’étais seul, la nuit, avec Lucie, et… et, malgré ses efforts, sa résistance, ses cris, j’ai baisé sa bouche à pleine bouche, j’ai baisé ses bras nus, ses épaules nues, j’ai déchiré ses vêtements, arraché ses jupes…