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la fortune de m. fouque

Il voulait douter malgré l’évidence, malgré le témoignage irrécusable de ses yeux. Mais il reconstitua la scène, évoqua les deux coupables, et revit bien sa femme, Julie elle-même, les vêtements en désordre, et Ferrand, son meilleur ami…

Ce souvenir l’occupa et il y songea froidement, sans jalousie. Cette conviction qu’un homme était l’amant de Mme Fouque, baisait ses lèvres, caressait sa chair, n’éveillait en lui aucune douleur, aucune amertume. Il s’avoua même que Julie paraissait auprès de Ferrand plus tendre qu’auprès de lui, plus passionnée, et, quoique cela le vexât, il n’en souffrit point.

Et longtemps pour se distraire, il força son esprit à se fixer sur cette scène, il essaya d’étouffer la pensée qui l’obsédait sous un amoncellement d’idées futiles, de détails divertissants, de petits faits grotesques qu’il s’ingéniait à reconstruire. Mais soudain son orgueil blessé se réveillait, comme ces maux physiques qui agissent par saccades, et de nouveau sa colère jaillissait.

Trompé, lui, M. Fouque, l’ancien manœuvre arrivé à Caudebec en sabots, puis devenu maçon, puis contremaître, M. Fouque, le fils de son tra-