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un amour

Ils traversèrent le verger et enfilèrent une avenue bordée de hêtres qui s’enfonçait dans les bois. Le temps était gris et sale, une mélancolie tombait des branches noires et nues, un vent d’hiver soulevait les feuilles mortes qui jonchaient les ornières. Le long des arbres courait le grincement sinistre d’un fil de fer rouillé. Pourtant une joie inexprimable les pénétrait. Ils allaient parler de leur fils. Puisque la même peine les rongeait, pourquoi ne point se la confier ?

Et en effet les aveux leur vinrent aux lèvres, ils se confessèrent toutes les larmes répandues en secret, toutes les nuits d’insomnie, toutes leurs plaies, toutes leurs meurtrissures. Et ce leur fut d’une douceur ineffable, ce rapprochement de leurs cœurs, cet échange sincère de leurs plus intimes pensées.

— Nous en causerons souvent, n’est-ce pas ? dit Marthe, nous y songerons l’un près de l’autre comme à un mort chéri qui a été tout pour nous et qui sera toujours tout.

Jacques la regardait avec une compassion immense. Il sentait confusément à la voir si amaigrie, les pommettes d’un vilain rouge, la dé-