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un amour

Civialle s’accoutumait à cette existence intime. En ménage presque, il ne recherchait aucune distraction au dehors de l’intérieur où il se confinait. Jeanne d’ailleurs employait à le retenir une adresse incomparable. Incessamment stimulée par sa première défaite, jamais elle ne s’écartait de son but. Ses moindres paroles, ses moindres actions y convergeaient. Pour éviter l’écueil où elle avait sombré, elle se livrait par moments avec un emportement qui le ravissait ; puis, pendant des semaines, elle se reprenait, et il se heurtait à des refus continus, à des malaises prétextés, à une foule d’empêchements secondaires. Ces alternatives de passion et de froideur ravivaient son amour.

Elle l’obligeait aussi à des absences prolongées, soit dans le midi, où sa santé, affirmait-elle, le forçait à hiverner, soit de côté et d’autre pour le soin de sa fortune. Il en revenait plus épris. En outre, afin de prévenir toute influence, elle l’éloigna de sa famille, de ses relations, l’accapara, le contraignit à n’avoir plus que chez elle un milieu et un refuge.

Mais la jalousie de Civialle constituait encore la garantie de fidélité la plus sérieuse. Marthe