Page:Leblanc - Des couples, 1890.djvu/209

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
204
les époux dumouchel

de l’autre, devant la cheminée, sous la lumière intime de la lampe, et ils échangèrent de courtes phrases qui exprimaient autant de projets nets et irrévocables. On mangerait à heure fixe, on dormirait régulièrement, on revivrait l’existence passée, pondérée et sans secousses, on boucherait la brèche faite au capital, on reprendrait les réceptions du samedi, les promenades du dimanche.

— Et surtout, s’écria François, nous serons bien prudents dans nos rapports. Plus d’enfant… à aucun prix… plus d’enfant…

Ils se turent. Et peu à peu chacune de leurs habitudes assaillit leur songerie. Une à une elles ressuscitaient. De tous les coins de la pièce, de tous les coins de la maison, elles se dressaient, ces vieilles, ces bonnes, ces chères habitudes, un moment étouffées, mais plus vivaces, plus impérieuses que jamais. Elles s’emparaient de leur cerveau, elles emprisonnaient leur corps.

Et les époux tendaient le cou eux-mêmes au joug si désiré, les poignets aux menottes si amèrement regrettées, la cheville au boulet indispensable.