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les époux dumouchel

Cette idée les pénétra, et ils finirent, à leur insu, par attribuer à Céline une sorte de puissance mystérieuse. Il leur semblait — tellement la douleur détraquait leur cerveau — qu’à leur foyer s’était installée sous les traits de l’enfant une méchante fée, qui contrecarrait leurs plans, qui les torturait et les persécutait à l’aide de charmes et de maléfices.

Une peur étrange s’empara d’eux, et ils prononçaient tout bas le nom de leur fille.

L’anniversaire de la naissance arriva. Le soir, la nourrice obtint la permission de dîner en ville avec une de ses parentes. Le couple demeura seul. Le repas, dont ils comparèrent le menu frugal aux festins d’autrefois, fut vite expédié. Madame débarrassa la table, monsieur fuma sa pipe, lut un journal, puis ils entamèrent un besigue. On tint la porte ouverte ainsi que celle de la petite.

La partie languissait. L’esprit distrait, ils maniaient les cartes et comptaient machinalement.

Cet anniversaire les épouvantait, comme une catastrophe imprévue.Il fermait la première période de leur martyre. Une année déjà de souffrances intolérables ! Et une autre s’écoulerait,