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les époux dumouchel

courroux sans réticence. Ils ne parlaient de Céline qu’avec des gestes violents et une voix dure. Pour la désigner, ils employaient des expressions méprisantes : la gosse, la morveuse, le poupon, l’avorton, cherchant ainsi à se venger d’elle comme d’une grande personne.

Par la place qu’elle occupait dans leur vie, elle acquérait à leurs yeux une importance énorme. Ils lui accordaient une intelligence capable de saisir leurs insultes et ils s’ingéniaient à lui lancer des pointes, à la taquiner, à la froisser. Un mois durant, François resta sans la voir. De son côté, Berthe affecta de ne point l’embrasser. Un soir, tandis qu’elle dormait, Dumouchel fendit du bois, roula des meubles, enfonça des clous. Un autre soir, sa femme se mit au piano et tapota, quoiqu’elle ne sût pas jouer.

Et ils s’applaudissaient mutuellement de leurs méchancetés comme d’actions louables et justes

— Oh ! mais, s’écriaient-ils, que cette péronnelle ne s’imagine pas qu’elle nous fera la loi ; nous la dresserons, nous.

Vers le milieu de l’été, ils durent abandonner leur voyage annuel à Pont-de-l’Arche, et renoncer également, comme à des plaisirs trop coû-