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les époux dumouchel

comme les aliments que j’avale. Entre nous, sans nous vanter, on s’y amusait beaucoup. Il y avait de l’entrain, de la cordialité, et un laisser-aller qui n’excluait pas le bon ton. Et puis cela me donnait à la mairie un relief ! On ne m’y traite plus de la même façon, hélas !

Et Berthe songeait au beau Lamare dont les hommages ne s’adressaient qu’à elle malgré les avances que valait à son cavalier la jalousie de ces dames. Non pas qu’elle l’aimât, mais elle regrettait cette cour respectueuse, ces compliments, cette admiration qui chatouillait sa vanité.

Un matin, le facteur apporta une lettre ainsi conçue :

« Monsieur et Madame Renaud préviennent Monsieur et Madame Dumouchel qu’ils recevront tous les samedis soirs, et les prient de bien vouloir honorer de leur présence ces réunions intimes. »

— Tonnerre de Dieu ! jura François, elle est raide, celle-là, c’est une infamie !

Sa femme, toute pâle, les lèvres blanches, les poings serrés, bougonna :

— C’est plus qu’une infamie, c’est un vol ; ils n’avaient pas le droit, ils veulent nous narguer.