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les époux dumouchel

Enfin on débarrassa la table et l’on commença un trente-et-un. Ces parties engendraient une gaîté générale. C’était un feu roulant de traits d’esprit, une bataille à coups de vieux calembours et de plaisanteries connues. Chacun n’en convoitait pas moins avidement les neuf sous qui formaient l’enjeu.

Seule Berthe ne jouait jamais. Maîtresse de maison, elle s’acquittait de son rôle avec conscience. Elle allait de l’un à l’autre, conseillait, s’occupait de sa tante, potinait d’un ton confidentiel.

Ce soir-là, elle montrait par moments une verve, un entrain si endiablé que Turpin s’écria galamment :

— En vérité, vous rajeunissez !

Puis des tristesses subites l’abattaient, et elle s’asseyait à l’écart sans un mot.

On remarqua ces inégalités d’humeur, et on la pressa de s’expliquer. Elle se défendit :

— Mais je n’ai rien, je vous assure que je n’ai rien.

— Allons donc, riposta le beau Lamare, vous avez un secret. Venez près de moi que je vous confesse.