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son fauteuil, restait accablée, et lui dit :

— Chère madame, il est quatre heures du matin. Vous devez être brisée, il faut absolument rentrer chez vous tranquillement, avec toute confiance dans notre diligence. L’affaire est entre les mains de la police, et, dans quelques heures, certainement, tout sera réglé. Comptez sur nous, chère madame. Moi, je me repose quelques moments.

Mme Destol ne bougea pas. Elle semblait avoir à peine entendu les paroles de Thureau. Pourtant, elle murmura :

— Oui… Vous avez raison… Je viens…

Thureau se retourna vers son ami Valnais, lui adressa quelques recommandations et se retira dans la pièce voisine.

Valnais alors se rapprocha de Mme Destol et, se penchant :

— Alors, chère amie, vous êtes prête ? Nous partons ?

Mme Destol était toujours immobile, mais elle semblait se réveiller et retrouver toute sa conscience. Elle dit d’une voix basse et résolue :

— Oui, oui, nous allons partir… Mais s’imagine-t-on que je vais rentrer ?… et que je vais attendre des heures, sans agir, tandis que Nelly-Rose est avec ce bandit, cet assassin ?

Très calme, à présent, pleine d’une inflexible résolution, elle n’était plus l’habituelle femme coquette, frivole et brouillonne, qui prenait la vie comme une suite de parades mondaines et de distractions hétéroclites. Valnais la regardait. Dépeignée, défardée, les traits tirés, elle avait vieilli de vingt ans, mais elle n’en avait cure, et il ne pouvait s’empêcher de la trouver admirable et touchante, ainsi transfigurée par l’amour maternel qui lui faisait oublier toute autre chose au monde.

Sourdement, sans geste, elle prononça :

— Écoutez-moi, Valnais… Sur la table de ce misérable Baratof car c’était un misérable et il est responsable de tout ce qui arrive à ma fille… Sur la petite table qui est là-bas au fond à droite… vous m’écoutez bien ?… j’ai vu tout à l’heure un carnet de notes… d’adresses, sans doute… Peut-être contient-il des renseignements sur l’autre canaille… une indication quelconque…

Valnais, étonné, protesta :

— Oh ! voyons, quoi !… Les gens de la police n’auraient pas eu l’idée de vérifier ?…

— Allez… Feuilletez-le… Ils n’y ont pas pensé encore… Allez le feuilleter, mais sans en avoir l’air…

Valnais obéit. Avec un regard oblique vers le commissaire de police qui, à la grande table, écrivait son rapport, il fit quelques pas, tournant autour de la pièce comme pour se dégourdir les jambes, l’allure ma-