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Nelly vida la moitié de sa coupe. Son attitude avait changé presque subitement. Toujours aussi lucide, sans aucune ivresse, elle était différente. Une autre Nelly-Rose apparaissait, une Nelly-Rose gaie, d’une gaîté un peu nerveuse, une Nelly-Rose plus expansive, plus extérieure… Elle eut un beau rire un peu éperdu, elle se dressa sur ses pieds pour mieux voir l’ensemble de la salle. Les couples recommençaient à danser, et c’était la valse que l’après-midi, chez Mme Destol, Gérard avait dansée avec Nelly-Rose.

— Nelly-Rose, dit Gérard, — c’était la première fois qu’il l’appelait ainsi, mais elle ne parut pas y prendre garde, — Nelly-Rose, vous ne voulez pas danser ?

— Mais oui, dansons, accepta-t-elle sans hésiter.

Et elle ajouta :

— C’est notre valse de tantôt…

Il l’enlaça… Il sentit qu’elle était un peu abandonnée dans ses bras.



IV

Gérard joue… et gagne


Nelly-Rose, les yeux à demi clos, se laissait emporter au rythme insidieux, au mouvement glissant et tournoyant de la valse qui l’alanguissait et l’étourdissait dans un doux vertige, où la griserie légère du champagne lui faisait graduellement perdre conscience d’elle-même.

Où était-elle ? Elle ne le savait plus trop. La musique, le brouhaha des voix, la foule, les lumières, tout cela, elle le percevait comme dans un rêve. La notion de la réalité lui échappait. Elle ne concevait pas ce que sa situation, dans cet endroit