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homme devait venir à minuit ! Vite, vite ! cria-t-elle par la portière.

— Mais vous vous trompez de route ! hurla tout à coup Valnais à son chauffeur, qui marchait en tête.

— Monsieur croit ? répondit avec placidité cet homme engourdi encore par le sommeil.

— Si je le crois ! Mais c’était à droite qu’il fallait tourner !

On tourna à droite, mais, après dix minutes, on dut reconnaître qu’on était complètement égaré. Mme Destol trépignait.

Ils retrouvèrent enfin la ligne du chemin de fer qui leur donnait un sûr point de direction. Mais, pour comble d’infortune, au moment où l’auto de Mme Destol s’engageait dans la bonne route, un de ses pneus d’arrière éclata.

— C’est à pleurer, gémit Mme Destol.

Mais elle ne voulait pas se laisser abattre. Elle descendit, suivie de ses deux compagnons.

— Réparez, vous reviendrez quand vous pourrez, ordonna-t-elle à son chauffeur.

Elle se tourna vers les quatre hommes réunis autour d’elle, car, au bruit, Valnais avait fait arrêter sa voiture, et avait, ainsi que son compagnon, mis pied à terre.

— Valnais, dit-elle, je vais avec vous dans votre voiture. Vous, ordonna-t-elle aux trois autres, attendez ici ; mon auto, quand elle sera prête, vous ramènera…

Les mousquetaires ne protestèrent pas. Du reste, à tout prendre, harassés, ils aimaient autant attendre là que de continuer cette poursuite échevelée.

— Une heure vingt, se lamentait Mme Destol… Cela fait donc une heure vingt que cette brute est sans doute avec ma fille ! C’est monstrueux ! Jamais je n’aurais soupçonné cela de Nelly-Rose ! Quelle folie ! Quelle imprudence ! Quelle révolte !… Ah ! les jeunes filles d’aujourd’hui ! De mon temps les jeunes filles attendaient le mariage.

Elle s’arrêta sur la voie périlleuse des confidences où, dans son émoi, elle allait s’engager. Et, tout à coup :

— Mon bon Valnais, nous allons la sauver, et je vous la donne !… C’est une enfant imprudente dans sa candeur, dans son ignorance du mal. Vous la protégerez, vous la guiderez. Elle vous aimera, elle vous écoutera mieux qu’elle ne m’écoute. Je vous la donne, Valnais…

— C’est mon plus cher désir, répondit Valnais avec feu. Ah ! enfin, nous arrivons ! Voici Paris.

— Mon Dieu, je n’ai pas ma clef, dit Mme Destol. Pourvu que Victorine soit encore là !

Ils traversèrent Paris en trombe.