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sion comparable à celle que lui causait cette merveilleuse Nelly-Rose. Depuis qu’il lui avait parlé, qu’il l’avait, en valsant, tenue dans ses bras, qu’il avait respiré son parfum et vu le cadre où elle vivait, elle lui inspirait un ardent intérêt, fait de curiosité, de désir, et où se mêlait aussi la volonté de la protéger, de la protéger contre les autres et surtout contre Baratof.

Gérard, à présent, ne croyait plus que Nelly-Rose était une affranchie de mœurs libres, dont la conquête serait facile. Il avait discerné tout ce qui était en elle de candide et de virginal. Oui, elle était une vraie jeune fille. Raison de plus pour la prévenir des intentions du Russe et pour la défendre contre ses tentatives. Et raison de plus aussi pour que lui-même, Gérard, essayât de la conquérir !

Il sourit encore. Il avait coutume de tenter l’impossible et de se fier à sa chance, autant qu’à son audace. Et puis, ne venait-il pas de voir Nelly-Rose perdre sa volonté devant sa volonté à lui, et, sous son regard, rester comme fascinée ?

La Pension Russe était une grande maison composée de deux corps de bâtiments que séparait une large cour.

La chambre de Gérard se trouvait dans le bâtiment du fond, mais en descendant de taxi, avant de s’y rendre, Gérard chercha l’émigré russe qui tenait la pension et qui l’avait déjà reçu le matin.

Il le trouva dans le hall de l’hôtel, où cet homme dirigeait des ouvriers qui en faisaient la décoration.

Gérard le prit à part :

— Dis donc, Yégor, j’ai quelque chose à te demander.

— Je suis tout à ta disposition, Gérard, tu le sais bien. Sans toi, je serais en Sibérie… ou plutôt dans la terre.

— Alors, voilà. Parmi les pensionnaires des petites chambres, n’y a-t-il pas de chauffeurs de taxis ?

— Si, il y en a trois.

— Est-ce que, parmi ces gens-là, il en est un en qui l’on puisse avoir confiance ?

— Dans tous les trois. Tous les trois savent que tu m’as sauvé et que tu as rendu bien des services à nos frères opprimés. Mais, si c’est pour une mission délicate, confidentielle, prends Ibratief, il est discret, adroit et sûr.

— Rentre-t-il ce soir ?

— Il n’est pas encore sorti. Il fait la nuit.

— Bien, je monte dans ma chambre. Fais-le venir dans ton bureau. Je le verrai en redescendant dans une demi-heure… Mais, à ce que je vois, on prépare une fête ici pour ce soir ?

— Oui, un bal.

— Parfait ! Ça ne pouvait mieux tomber ! À tout à l’heure…