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L’essentiel, c’est que tu ne le revoies pas, et que tu tiennes ton engagement, Nelly-Rose.

— Quel engagement ?

— Enfin, quoi, celui que tu as pris envers notre excellent ami Valnais.

— Mais je n’ai pris aucun engagement envers lui… N’est-ce pas, Valnais ?

Celui-ci balbutia :

— Tout de même… votre promesse…

— Mais oui, Nelly-Rose, reprit Mme Destol… la phrase de ton pneumatique est très claire… quand tu dis que nous sommes sur le point de devenir riches. Je ne vois pas comment nous pourrions devenir riches si tu ne te maries pas ?

— Avec Valnais ?

— Évidemment.

Nelly-Rose se mit à rire de bon cœur et dit à sa mère :

— Il y a un autre moyen, maman, et beaucoup plus simple.

— Ah !… Lequel ?…

— C’est de faire fortune nous-mêmes… ou plutôt de retrouver notre fortune.

Mme Destol l’observa.

— Notre fortune ? Quelle fortune ?

— Celle qui était perdue…

— Et tu l’as retrouvée, toi ? chuchota Mme Destol, la voix altérée.

— Pas moi, mais quelqu’un.

— Quelqu’un ?

— Maman, si ce quelqu’un avait retrouvé en Russie, après les avoir cherchés, nos titres de Roumanie, le reçu, qui est la preuve de l’achat et du règlement, enfin, tous les documents nécessaires, et que ce quelqu’un les ait rapportés pour nous les remettre, dis maman, est-ce que ce serait un honnête homme à tes yeux ?

— C’est lui ?… c’est lui qui a fait cela ? bégaya Mme Destol.

— C’est lui, maman. Et c’est pour arracher ces papiers à Baratof, qui voulait nous les voler, qu’il s’est battu avec lui…

— Nelly-Rose… voyons, voyons… (Mme Destol haletait), c’est sérieux ?

— Tout ce qu’il y a de plus sérieux. Au lieu de garder ces millions comme il le pouvait, il a tout remis à la justice pour que cela nous soit restitué.

— Mais c’est… c’est ahurissant, bouleversant. Pourquoi ne m’as-tu pas dit cela plus tôt ? Pourquoi ne pas me l’avoir écrit ?

— Je voulais être sûre.

— Et tu es sûre ?

— Mon Dieu, oui, dit Nelly-Rose gaîment. Je viens de chez M. Lissenay, juge d’instruction, et il m’a remis le paquet. Il est là, sur cette table, où je l’ai posé en entrant.

Mme Destol porta la main à son cœur. Elle suffoquait. Allait-elle se trouver mal ? Non. Elle réagit, s’empara du paquet, essaya de le déficeler, n’y parvint pas et s’enfuit dans sa chambre où elle s’enferma.

Après son départ, il y eut un petit silence.

— Pauvre maman, dit Nelly-Rose, j’aurais dû la prévenir plus doucement. Mais je ne pensais pas que ma lettre fût si obscure. Ainsi, Valnais, vous avez supposé ?…

Elle se tut. Valnais, décontenancé, ne savait que répondre. Enfin, il se leva et dit :

— Adieu, Nelly-Rose.