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sera ma perte à moi, la défaite de mon amour ? Mais, d’ailleurs, je suis bien tranquille. Une fortune ne va pas vous tomber du ciel. Que pouvez-vous espérer ? Un mariage riche ? Alors, Nelly-Rose, autant moi qu’un autre.

Il avait prononcé ces derniers mots d’un ton si piteux que la jeune fille ne put s’empêcher de sourire.

— Le salut peut venir d’ailleurs, dit-elle.

— De quoi donc ?

— De l’héritage de mon père.

— Mais je vous ai dit qu’il n’en reste rien… Nelly-Rose, vous ne voulez pas parler de cette histoire de mines de pétrole en Roumanie ? C’est chimérique !

— Qu’en savez-vous ? Êtes-vous seulement au courant de l’affaire pour la condamner ainsi ?

— Votre mère m’en a dit quelques mots, mais cela m’a paru tout de suite absolument chimérique, je vous le répète, et je suis, en affaires, trop positif pour y avoir attaché grande importance. Il s’agit, je crois, de mines de pétrole situées en Roumanie, non loin de la Pologne. C’est pour cela que M. Destol se trouvait en Roumanie. Je ne me trompe pas, n’est-ce pas ?

— Non. Mon père, en effet, venait d’acheter la plus grande partie des titres de ces mines. Ils ne lui furent pas livrés à temps et il mourut pendant l’invasion de la Roumanie. Il est hors de doute, nous le savons, maman et moi, par l’enquête que nous avons fait faire là-bas, que l’achat fut réglé et que les titres appartiennent authentiquement à mon père, c’est-à-dire à nous.

— Et ces titres représentent naturellement une somme importante ?

— Mon père en avait la majorité. Achetés à bas prix, ils représentent maintenant près de quarante millions.

— Peste ! Je comprends que vous n’auriez plus besoin de ma fortune, humble auprès de cela. Mais quelle preuve avez-vous que cela vous appartient ? Comment récupérer ? Que sont-ils devenus, ces titres ? Où est le reçu du règlement ? À qui votre père a-t-il confié ces papiers indispensables pour faire valoir vos droits ? Non, c’est de la folie !

— C’est très sérieux. Et une certaine indication qui, il y a quelques jours, nous est parvenue, fait croire que mon père, avant sa mort, a tout confié à un Russe avec qui il était très lié et qui parvint à regagner la Russie. Cela se passait pendant la période qui s’étend entre l’invasion de la Roumanie par les Allemands et la tempête révolutionnaire russe.

— Et vous vous imaginez, ma pauvre Nelly-Rose, que le hasard permettra de retrouver dans ce chaos ?… Il faudrait un miracle.

La jeune fille sourit.

— Pourquoi pas ? J’y crois, moi,