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— Celui d’empêcher Baratof de venir chez mademoiselle ?

— Oui.

— Et vous aviez l’intention de vous substituer à lui ?

— Pas à ce moment-là. J’ai été indécis tout d’abord : ayant les titres dans ma poche, je me demandais par quels moyens je pourrais les remettre à Mmes Destol… C’est alors seulement que, brusquement, j’ai eu l’idée de me substituer à Baratof et d’aller, comme si j’étais lui, voir Mlle Destol qui, je le savais, devait le recevoir. Il me l’avait dit.

— Pourquoi n’avez-vous pas remis ces papiers, la nuit, à Mlle Destol ?

— Déjà, puisque je jouais le rôle de Baratof, je m’étais imposé à elle, en envoyant cinq millions aux Laboratoires, sous la condition que vous savez. Alors par… fatuité si vous voulez, aussi par respect pour elle-même, il me déplaisait d’avoir l’air de proposer, ou d’imposer, même implicitement, un autre marché… plus direct encore, et plus choquant, et de me prévaloir de cet argent que je lui rapportais et qui était à elle.

— Scrupule tardif, vous m’avouerez, et peu explicable.

— Il en est cependant ainsi, monsieur le juge d’instruction. Tout de suite, et malgré la façon dont j’agissais, j’ai senti pour elle quelque chose de nouveau, une sorte de déférence, contraire à ma nature. C’est pour cela qu’après l’avoir amenée dans ma chambre, j’ai eu honte d’abuser de sa confiance. Si elle n’avait pas dormi, peut-être, si elle n’avait pas été dans cet état d’inconscience, et qu’elle eût pu répondre, volontairement, à mes baisers, peut-être… aurais-je cédé à mon désir. Mais, abandonnée comme elle l’était, ne sachant pas