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Cette fois, Nelly-Rose ne riait plus. Elle avait pâli et ses lèvres tremblaient. Elle adorait sa mère et savait que celle-ci ne pourrait supporter la pauvreté.

— Mon Dieu, murmura-t-elle, chère maman, comment fera-t-elle ? Moi, tout m’est égal. Je travaillerai, je m’accommoderai de n’importe quoi… Mais elle, Valnais ? C’est affreux… elle sera trop malheureuse… Que faire ?

Valnais, sincèrement ému, mais dont l’amour, comme toutes les amours, était égoïste, se rapprocha.

— Acceptez de m’épouser, Nelly-Rose. Je vous jure que votre mère pourra continuer à vivre largement, selon ses goûts, et je vous jure que vous serez heureuse.

Elle faillit s’indigner de cette mise en demeure, de ce calcul fondé sur sa détresse, mais elle se rendit compte qu’il ne comprenait pas que ses paroles avaient un tel sens.

— Alors, dit-elle seulement, je dois me sacrifier ?

— Vous sacrifier ? Quel mot cruel, Nelly-Rose ! C’est donc un sacrifice ?

Elle le regarda en face et, après un moment :

— Oui.

Mais aussitôt elle eut regret de sa dureté. Pour le consoler, elle reprit gentiment :

— Écoutez, Valnais, dans six mois — puisqu’il nous reste six mois — nous verrons. Oui, dans six mois, ce sera oui…

Elle avait dû faire un effort pour prononcer ces derniers mots, et elle ajouta, comme pour elle-même :

— Si d’ici là rien ne nous sauve, maman et moi.

— Oh ! Nelly-Rose, protesta Valnais, vous avez vraiment des phrases… Alors, si le salut vous vient ce