Page:Leblanc - Contes Heroïques, parus dans Le Journal, 1915-1916.djvu/87

Cette page a été validée par deux contributeurs.

» La grande faute ne doit plus être commise. Tu ne la commettras plus, n’est-ce pas, Henriette ? Il faut avoir des enfants, Henriette. Il faut que tu te remaries et que tu remplisses ta mission de mère. Je te le dis gravement, de toute mon âme qui te supplie. Je mourrais sans regrets, si je pouvais savoir que ma mort produira de la vie, et que je serai remplacé par des êtres jeunes qui, à leur tour, transmettront cette existence que je n’ai pas pu transmettre.

» Répare notre faute, Henriette. Offre à ton pays la part de richesse et de force que tu lui dois, Ta beauté n’en souffrira pas. Et dis-toi bien, d’ailleurs, qu’après cette guerre, ce n’est pas la mère stérile, froide et frivole, c’est la mère féconde qui sera la plus belle, la plus fraîche, la plus généreuse et la plus admirée. Henriette, Henriette, écoute ma prière… »

La lettre n’était pas achevée. Il y manquait ces mots de tendresse et d’amour par lesquels Richard, étant donné le ton même de son adieu, l’eût terminée certainement. Mais Henriette les devina, ces mots. Ils complétaient la lettre la plus émouvante, dont elle sentit toute la noblesse et toute la sincérité. Et elle demeurait là, silencieuse, plus près de son mari qu’elle ne l’avait jamais été, lorsqu’un bruit aigu ayant attiré son attention, elle leva la tête.

Richard était en face d’elle, debout, dans l’encadrement de la porte.

Elle fut stupéfaite. Elle ne l’avait pas entendu venir, et sa présence la bouleversait. Ni l’un ni l’autre ils ne bougeaient. Aucune parole ne sortait de leur gorge serrée. Mais ils se regardaient comme ils ne s’étaient pas regardés jusqu’ici.

À la fin, il lui dit très doucement :

— Tu as lu cette lettre ?

Elle ne tenta pas de protester, et il reprit :

— Tu as bien fait. Ce que j’ai écrit là, je