— J’en sais quelque chose, murmura le colonel. Ainsi, c’est pour faire plaisir au vieux Dalbrecq…
— Dame, oui, mon colonel. Et puis, à la longue, aussi pour me faire plaisir à moi. N’est-ce pas ? On s’excite… on s’emballe… et l’idée qu’on est sergent médaillé, ça vous donne du cœur au ventre.
Il se tut un moment et reprit, plus bas encore :
— Et puis, il y a quelque chose que je ne comprends pas… le sentiment que je suis vraiment le fils du capitaine Dalbrecq. Certes, je sais. J’ai volé ce nom-là. Mais, tout de même, c’est ça que je suis… un homme honorable, qui porte un nom honorable, comme vous dites. Et il faut bien être à la hauteur… Il faut que je me conduise comme il se serait conduit, lui, et mieux même. Il faut que le père soit content et fier de son fils. Je continue jusqu’au bout. Rien ne peut plus m’arrêter. Le sergent Dalbrecq, le fils du capitaine Dalbrecq est au premier plan. Il donne l’exemple, debout sur la tranchée. C’est nécessaire, et c’est juste. Le devoir est là, et je ne flancherai pas, mon colonel.
De nouveau il se tut. Malgré lui, le colonel l’observait, avec une sympathie et une émotion qu’il ne dissimulait point. Étrange héros qui atteignait au sublime pour des raisons si imprévues !
Il prononça, d’un ton songeur :
— Cependant, il arrivera bien une heure où la vérité se découvrira.
— Cela ne doit pas être, mon colonel. Le bonhomme en mourrait de honte.
— En ce cas, je ne vois pas de solution possible.