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Le Coup de fusil



Après avoir couché son petit Jean, Gilberte congédia la paysanne qui l’aidait à tenir son ménage depuis le début de la guerre, puis elle se mit à coudre. Mais un bruit au-dessus d’elle, sur une partie du toit aménagée en terrasse, attira son attention.

Elle fut très étonnée, son mari l’ayant prévenue qu’il allait jusqu’au village voisin. Or, ce ne pouvait être que lui qui se promenait ainsi sur la terrasse. Cela l’inquiéta. L’ennemi bombardait la région de temps à autre, et l’on n’avait, Parfois, que le temps de descendre à la cave. Que pouvait-il faire là-haut, dans la nuit ?

Elle monta l’escalier de la tourelle, ouvrit la petite porte basse qui conduisait à la plate-forme supérieure, et appela :

— C’est toi, Ludovic ?

Il surgit brusquement de l’ombre que projetait une cheminée et lui dit :

— Que veux-tu ? Je prends l’air, Laisse-moi.

Son intonation saccadée la frappa. En outre, au clair de la lune, elle discerna son visage, qui était contracté par la colère. Comme elle avait pour lui une grande affection, elle reprit doucement :

— Il faut descendre, Ludovic. Je ne te laisserai pas ici C’est trop dangereux.

— Va-t’en, fit-il, d’une voix plus forte.

— Voyons, Ludovic, je t’en supplie…

— Tu ne veux pas t’en aller ?

— Mais non, il n’y a aucune raison…