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J’avais conservé près de moi les meilleurs tireurs, Martineau faisait merveille. Au centre du cimetière, à peine dissimulé par une pierre tombale qui se dressait entre deux ifs, il ne cessait d’épauler et de tirer. À ses côtés deux soldats, légèrement blessés, rechargeaient continuellement son fusil et lui passaient les leurs.

On gagna ainsi trente ou quarante minutes. À la fin cependant, comme nous risquions d’être cernés par des forces trop nombreuses, je résolus de rejoindre les nouvelles tranchées, pendant que le sentier qui pouvait nous y conduire n’était pas encore sous le feu de l’adversaire.

— En route ! m’écriai-je. Tu viens, Martineau ?

Il ne me répondit pas. Mes hommes et moi nous remontions déjà, en nous courbant, l’allée centrale, lorsque, surpris par le silence de Martineau, je me retournai. À ce moment il tira encore, et il se mit aussitôt à recharger un des deux autres fusils.

— Eh bien, voyons, qu’est-ce que tu fais ? Il n’y a pas de temps à perdre.

Il épaula, visa posément et, de nouveau, il y eut une détonation.

Je m’approchai de lui et répétai :

— Tu viens, Martineau ?

Il répliqua entre ses dents :

— Non.

— Hein ? Qu’est-ce que tu dis ?