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moi simplement et je vous consolerai. » Fernande, un autre vous parle, vous frôle, contemple vos bras et vos épaules, et ma peine est intolérable.

Elle a tourné la tête vers moi, avec un sourire doux de femme qui se sent aimée, et elle a guéri mon mal.


… « Je ne serai jamais à vous », m’a-t-elle dit. Et je me demande maintenant si ce n’est pas cette crainte qui compose mon amour. L’aurais-je aimée si elle se fût donnée sans débats ?

Ce doute me fait douter de tout. Si j’analyse ma passion, j’y découvre de la vanité, du désir physique, de l’entêtement, le besoin de dominer un être et de me prouver ma force de séduction. Mais, somme toute, j’y vois peu d’affection sincère, nulle trace de désintéressement.


… Je ressens une âpre jouissance à me démontrer la fausseté de mes émotions. Quand je lui parle, je parviens à m’abuser. Par un effort de volonté inconscient, je me grise de sa vue, de son odeur, de son contact. Et je ne raille pas en lui disant mon adoration. Mais devant ces pages blanches, je me ressaisis. Je distingue d’une vision précise le caractère absolu de mes actes et de mes gestes.

Ainsi, quand je touche sa main, ma main tremble ; elle tremble réellement, sans que je le veuille. Quand elle me regarde, mes paupières battent, comme si