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Notre conscience n’est pas dupe, elle, mais cet être intérieur, qui monologue en nous, ment, lui. Il prend la parole, pérore, combine des histoires, s’excuse, se pare, s’attife, cavalcade, fait le beau. Et nous arrivons à nous façonner, à nos propres yeux, en un être absolument différent de l’être exact que nous sommes, un être habillé de vertus et même de vices que nous ne possédons point, des vices que nous jugeons nécessaires, élégants, d’une perversité peu banale.

Eh bien, moi, ces mensonges m’écœurent. Tromper les autres, soit. C’est une inéluctable nécessité. La loyauté est de mauvais goût. La fourberie est utile, donc juste. Mais du moins je jouerai franc jeu avec moi, je ne me tricherai plus, j’ausculterai mon âme, et je ne donnerai pas le diagnostic équivoque du médecin qui veut tranquilliser son malade, mais le vrai, si brutal et si cruel qu’il soit. Plus de comédie. J’ai soif de franchise. Je sens en moi une crise d’amour qui commence, étudions-la. J’y gagnerai en tous cas de me mieux connaître.

… Cette nuit, au bal, elle dansait le cotillon avec celui de ses admirateurs dont je suis le plus profondément jaloux, — en suis-je réellement jaloux ? Non, alors pourquoi écrire ?… — Je m’approchai d’elle :

— Vous vous rappelez votre promesse ?

Elle me répondit :

— Oui, mon ami, je me rappelle.

Je repris :

— En voici les termes : « Si jamais votre peine devient intolérable, dites-la-