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descendaient jusqu’aux genoux. Des pieds accidentés s’attachaient à des mollets tortueux. Et il y avait des êtres d’un jaune d’iode, d’autres d’un blanc de cierge, d’autres d’un rouge de viande saignante.

Quelques-uns se lamentèrent. Il se présenta particulièrement un pauvre garçon, maigre et pâle, qui gémissait. Il crachait le sang, prétendait-il. Le major ricana :

— Prouvez-le, mon ami. En attendant vous ferez comme tout le monde.

Charles eut un sursaut. Parfois son mouchoir se teintait de rose, quand il l’appliquait le matin contre sa bouche. Et une vilaine toux lui arrachait les poumons.

Fils de veuve, il n’avait point fait de service militaire. Mais la loi l’obligeait à une double période sous les drapeaux. Il comptait néanmoins être réformé pour faiblesse de constitution. L’attitude du major lui parut de mauvais présage.

Une voix impérieuse le secoua. Le fourrier l’apostrophait :

— Eh bien, qu’est-ce que vous fichez, vous ? Vous ne pouvez pas vous déshabiller ?

En toute hâte il enleva ses derniers vêtements, et il resta debout, misérable et la peau frissonnante. Ses dents claquaient.

Et soudain, en face de lui, parmi les hommes de sa batterie, il aperçut l’amant de sa femme, — nu.

Leurs regards se croisèrent. Paul Brancourt le reconnut. Ils semblèrent