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Et lui aussi, des rêves de volupté le secouèrent, et il eut pour des femmes qui passaient de coupables désirs.

La peur le prit. Il se sentait vaincu. Les deux satyres voulaient sa chute. Leur présence avait corrompu les fidèles, il leur fallait maintenant l’ignominie du pasteur. À quoi bon lutter !

Il souffrait tellement que toute son énergie se dissipa, et il attendit, résigné d’avance aux débauches et aux turpitudes.

Or, tout à coup une lueur, un projet absurde illumina son cerveau. Ce projet, il l’accueillit, instantanément, avec une joie ardente. Nul autre moyen ne s’offrait a lui. Là gisait le salut.

Il ne différa point de remplir son devoir. Deux ou trois fois il se blottit sous le porche et considéra ses ennemis, non plus comme jadis en les maudissant et en tremblant, mais en adversaire calme, résolu, impitoyable, sûr de son triomphe.

Et une nuit, muni d’un ciseau et d’un marteau, il entra dans l’église déserte et marcha vers les deux satyres…


L’affaire fit beaucoup de bruit. Le conseil municipal protesta contre un tel outrage. L’abbé Bouache, qui revendiquait hautement la responsabilité de cette mutilation, fut déplacé.

Mais l’autorité épiscopale avait les yeux sur lui. Un caractère aussi énergique, une piété aussi vive, une âme que le mal blessait si profondément, méritaient qu’on les distinguât. Il obtint un avancement rapide.