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pencha, lui aussi. Et soudain un rugissement rauque lui échappa, il sauta sur les gamins, les bousculant, frappant à tort et a travers. Et, comme ils s’enfuyaient, il les poursuivit à travers le porche, jusque dans les rues voisines. Des passants s’attroupèrent.

Il revint par la sacristie. L’église était presque sombre. Sur les marches de l’autel, il s’agenouilla. Sa tête le brûlait. Il voulut prier, n’y réussit point. Des idées l’assiégeaient, innombrables et douloureuses. Une surtout se précisait en une image terrifiante dont la réalité lui crevait les yeux. Un espoir cependant le heurta. Qui sait ! Dans l’ombre une erreur est possible.

Un bout de cierge se dressait auprès de lui. Il l’alluma, courut à l’entrée, vers les portes fameuses.

Elles sont attribuées à Jean Goujon. Le battant devant lequel il s’arrêta se trouve divisé par une poignée de bronze en deux parties. Le sujet supérieur symbolise le christianisme, un homme marqué au front d’une croix. L’autre, en-dessous, le motif païen, représente deux cupidons qui jouent au pied d’un arbre et, de chaque côté, appuyés sur les branches du médaillon, deux satyres…

L’abbé colla sa lumière contre eux. Hélas ! il ne pouvait douter, c’était la nudité de l’homme, la nudité brutale et obscène.

La certitude, cette fois, lui brisa les jambes. Il s’affaissa. Le cierge s’éteignit. Et il resta là, stupide, éperdu. Une détente se produisait en lui, qui empêchait toute révolte. L’amour des prêtres