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grande plaine onduleuse, il tombait une lumière froide, une lumière d’astre à peine éveillé et qui grelotte lui-même. Une brise fraîche piquait les oreilles, ranimait les membres, rendait au corps cette jeunesse qui donne les pensées heureuses. Personne encore ne travail lait aux champs. Seules des vaches paissaient dans l’herbe humide.

M. Gavart, rasséréné, s’avançait rapidement. Il songeait à l’époque prochaine où il réaliserait son rêve, et il associait d’avance aux sentiers tortueux et aux fossés verdoyants de la route les joies qu’il récolterait dans ce paysage familier.

Il descendit un raidillon et aperçut le manoir. Rien ne bougeait. Il prit sa clé, entra, et gagna sa chambre. Puis, très vite, il colla son œil à la cloison. Le lit était vide, à peine défait.

Il recula, ne comprenant pas. Où se cachait-elle ? Comment la trouver ? Il se souvint de Victor. Lui seul pouvait le renseigner.

Il escalada l’étage où couchait le garde, se précipita vers la porte de la mansarde et l’ouvrit.

Entre les bras du vieux, Estelle dormait.