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mes et coupaient des brindilles. Les oiseaux s’enfuyaient. L’enfant, derrière lui, laissait de la tristesse.

L’âge n’atténua pas sa rancune. Elle se ravivait toutes les fois où son infirmité lui causait quelque ennui. Devenu fort, il se fit terrassier. Désormais, matin et soir, son travail l’obligeait à passer devant la Mare-au-leu. Il avait une pioche en main. Il frappait.

Il frappait un seul coup, mais avec une sorte de rage, et en l’accompagnant d’une insulte toujours nouvelle :

— Tiens, canaille… tiens, salop, grand lâche, grand vaurien.

Et l’arbre souffrait.

Il souffrait de ses innombrables blessures, par où s’échappait sa sève généreuse. Les entailles se creusaient les unes auprès des autres, s’entremêlaient et formaient une ceinture de trous béants. La place étant limitée, les coups souvent portaient au même endroit, et des plaies effroyables s’enfonçaient dans le cœur nu du malheureux.

Des années son martyre dura. Vaillant et d’une énergie séculaire, il résis-