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de la fameuse riposte. Il se fendait à fond. Mauseny parait et répliquait par un furieux coup en pleine poitrine.

La rapidité, la justesse, la vigueur de ce coup, telles furent les qualités que réclama le maître. Mauseny s’y appliquait de tous ses muscles et de toute son adresse.

Une occupation si grave apportait à l’ennui de Dalvène une diversion précieuse. La vie lui semblait intéressante, ainsi remplie. Pour la première fois il goûtait une sorte de bonheur.

Il voyait beaucoup son jeune élève et l’entraînait au restaurant, au théâtre. Il l’examinait avec attention, comme un être à part. Il lui saisissait la main sous prétexte de l’étudier et il pensait : « Donc cette main me tuera. » Il avait envie de la baiser respectueusement. Tout bas il le nommait son assassin. C’était son plaisir de se promener à son bras, de s’appuyer sur lui et de se dire ; « L’homme qui marche là, à mes côtés, sera mon meurtrier, est déjà mon meurtrier. »

En son cœur sec germa peu à peu une affection inattendue. Ne doit-on pas aimer, plus que celui qui vous donna la vie douloureuse, celui qui vous donnera la mort bienfaisante ?

Il entoura Mauseny de soins et d’attentions. Il eut des délicatesses exquises. Il le patronna dans les milieux qu’il es-