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mon désir. Souvent elle s’arrêtait, semblait réfléchir profondément et il lui venait des mots d’amour simples et naïfs qu’elle prononçait d’une voix grave :

— Toi, me dit elle, tu es l’homme que j’aime… après, ce sera fini.

Et elle me dit aussi, convaincue :

— Toi, tu es venu et Zouina mourra.

À l’aurore il me fallut partir. « L’homme allait rentrer » murmurait-elle avec frayeur. Je lui demandai :

— Qui est-il ? Ton mari ?

Elle répondit :

— Non, c’est mon maître.

Je m’en allai.

Plusieurs fois encore elle profita de l’absence de l’Arabe pour entrouvrir la lourde porte que ses mains chétives avaient peine à remuer.

Tout de suite elle se jetait sur mes lèvres. Et il me semblait que j’aspirais, en même temps que l’haleine de cette femme, l’enchantement de cet amour, la féérie de ce décor, la poésie de l’Orient. Je lui dois des heures inoubliables. Avec elle j’ai ressenti toutes les joies de la caresse, tous les désirs des corps qui s’étreignent, toutes les voluptés des yeux et des mains qui se mêlent. Mais jamais cependant elle ne consentit à enlever sa chemisette de gaze argentée, ni même sa veste de soie brodée d’or fin.

Puis, un jour — ah ! ce jour, il a gâté ma vie et mêlé un peu d’amertume à mes bonheurs les plus parfaits… Le soleil incendiait l’horizon. Nous étions à l’ombre, sons une tente. Elle, dans mes bras, rêvait. Et tout à coup, elle poussa