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souffrance :

— Oh ! chère adorée, je connais tout de toi, pas un coin de ta chair ne m’est étranger, pourquoi ne te donnes-tu pas ?

M. Brique savourait ces vaines récriminations. Mais soudain, Charlotte s’abattit sur l’épaule de son amant, et, dans un grand élan d’amour, promit :

— Je me donnerai demain, mon aimé, je me donnerai tout entière, je te le jure.

Une sueur froide couvrit M. Brique.

Il passa une nuit épouvantable. De hideux cauchemars l’assiégèrent. Au matin, comme sa femme dormait, il éloigna les draps et contempla tristement ce corps, ce beau corps blanc prêt aux caresses coupables. Ses larmes coulèrent.

Après le déjeuner, Charlotte s’habilla et sortit. M. Brique prit une voiture. Il eut un saisissement quand M. Gervais, de sa voix indifférente, lui répondit :

— Je suis à vos ordres, monsieur, vos soupçons étaient justes.

Ils partirent, accompagnés d’un agent. Rue Cadet, le fiacre s’arrêta. Une rage fermentait en M. Brique. Le commissaire interrogea la concierge.

— Le monsieur et la dame du second sont là ?

— Oui, depuis une demi-heure.

— Vite, articula M. Brique effrayé, nous allons arriver après.

Ils montèrent. La concierge les précédait. Au second étage, elle dit :

— J’ai une clef en double, entrez, il y a d’abord un cabinet de toilette.

La porte s’ouvrit sans un grincement. Ils pénétrèrent dans une petite pièce sombre. Une clarté attira M. Gervais. Elle provenait d’une vitre que voilait un rideau. Il regarda. Et tout à coup, comme M. Brique allait poser la main sur la serrure de la seconde porte, il lui étreignit le bras et murmura :

— Pas un mot, pas un geste, ou je m’en