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c’est aujourd’hui que ma femme succombe, il n’est que temps.

Il se heurtait à l’impassibilité de M. Gervais.

— Désolé, cher monsieur ; je n’ai pas reçu d’avis.

Charlotte cependant se défendait bravement. Quelles que fussent ses angoisses, il ne pouvait lui refuser une certaine honnêteté dont il s’enorgueillissait en proportion des doléances qu’exhalait Doussin. Il résultait des conversations surprises que la poitrine de la jeune femme et ses jambes, au-dessous du genou, n’offraient plus de mystères à la curiosité de son amant. Mais le reste demeurait impénétrable. L’époux y puisait un légitime motif de vanité.

Il confiait ses peines au commissaire. Il s’attira cette demande :

— Pourquoi, diable ! puisque votre femme n’est point encore coupable, pourquoi n’apparaissez-vous pas, tandis qu’ils sont dans les bras l’un de l’autre ?

Il s’expliqua : Charlotte avait un caractère abominable, des goûts dispendieux, et avec lui une froideur physique dont il ne pouvait se contenter. Il désirait donc se débarrasser d’elle.

— Seulement, ajouta-t-il, vous avouerez qu’il me suffit de la pincer, et si je puis éviter la trahison définitive…

L’autorisation arriva. Mais d’autres formalités retardèrent la vengeance de M. Brique. Il fallait auparavant s’informer et constater que le sieur Doussin et la dame Brique fréquentaient réellement le 33 de la rue Cadet.

Durant deux semaines son anxiété fut atroce… Doussin gagnait du terrain. Les rendez-vous se précipitaient. Madame Brique, là-bas, se montrait à son amant, enveloppée d’un unique peignoir de gaze, très ouvert et très transparent. En outre, elle avait des complaisances, et la fermeté de ses refus s’atténuait. La chute était imminente. M. Brique ne vivait plus.

Un soir, il entendit prononcer son irrémédiable condamnation. Doussin, a genoux devant Charlotte, pleurait sa