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ARSÈNE LUPIN CONTRE HERLOCK SHOLMÈS

— CDEHNOPRZEO — 237.

— Eh bien ? fit M. d’Imblevalle, c’est la formule que vous venez de nous montrer vous-même.

— Non, si vous aviez tourné et retourné cette formule dans tous les sens, vous auriez vu du premier coup d’œil, comme je l’ai vu, qu’elle n’est pas semblable à la première.

— Et en quoi donc ?

— Elle comprend deux lettres de plus, un E et un O.

— En effet, je n’avais pas observé…

— Rapprochez ces deux lettres du C et de l’H qui nous restaient en dehors du mot « répondez » et vous constaterez que le seul mot possible est ÉCHO.

— Ce qui signifie ?

— Ce qui signifie l’Écho de France, le journal de Lupin, son organe officiel, celui auquel il réserve ses « communiqués ». Répondez à « l’Écho de France, rubrique de la petite correspondance, numéro 237 ». C’était là le mot de l’énigme que j’ai tant cherché, et que Lupin m’a fourni avec tant de bonne grâce. J’arrive des bureaux de l’Écho de France.

— Et vous avez trouvé ?

— J’ai trouvé toute l’histoire détaillée des relations d’Arsène Lupin et de… sa complice. »

Et Sholmès étala sept journaux ouverts à la quatrième page et dont il détacha les sept lignes suivantes :

1o ARS. LUP. Dam. impl. protect. 540.

2o 540. Attends explications. A. L.

3o A. L. Sous domin. ennemi. Perdue.

4o 540. Écrivez adresse. Ferai enquête.

5o A. L. Murillo.

6o 540. Parc trois heures. Violettes.

7o 237. Entendu sam. serai dim. mat. parc.

« Et vous appelez cela une histoire détaillée ! s’écria M. d’Imblevalle.

— Mon Dieu, oui, et pour peu que vous prêtiez attention, vous serez de mon avis. Tout d’abord, une dame qui signe 540, implore la protection d’Arsène Lupin, à quoi Lupin riposte par une demande d’explications. La dame répond qu’elle est sous la domination d’un ennemi, de Bresson sans aucun doute, et qu’elle est perdue si l’on ne vient à son aide. Lupin, qui se méfie, qui n’ose encore s’aboucher avec cette inconnue, exige l’adresse et propose une enquête. La dame hésite pendant quatre jours, — consultez les dates, — enfin pressée par les événements, influencée par les menaces de Bresson, elle donne le nom de sa rue, Murillo. Le lendemain, Arsène Lupin annonce qu’il sera dans le parc Monceau à trois heures, et prie son inconnue de porter un bouquet de violettes comme signe de ralliement. Là, une interruption de huit jours dans la correspondance. Arsène Lupin et la dame n’ont pas besoin de s’écrire par la voie du journal : ils se voient ou s’écrivent directement. Le plan est ourdi : pour satisfaire aux exigences de Bresson, la dame enlèvera la lampe juive. Reste à fixer le jour. La dame qui, par prudence, correspond à l’aide de mots découpés et collés, se décide pour le samedi et ajoute : Répondez Écho 237. Lupin répond que c’est entendu et qu’il sera en outre le dimanche matin dans le parc. Le dimanche matin, le vol avait lieu.

— En effet, tout s’enchaîne, approuva le baron, et l’histoire est complète. »

Sholmès reprit :

« Donc, le vol a lieu. La dame sort le dimanche matin, rend compte à Lupin de ce qu’elle a fait, et porte à Bresson la lampe juive. Les choses se passent alors comme Lupin l’avait prévu. La justice, abusée par une fenêtre ouverte, quatre trous dans la terre et deux éraflures sur un balcon, admet aussitôt l’hypothèse du vol par effraction. La dame est tranquille.

— Soit, fit le baron, j’admets cette explication très logique. Mais le second vol…

— Le second vol fut provoqué par le premier. Les journaux ayant raconté comment la lampe juive avait disparu, quelqu’un eut l’idée de répéter l’agression et de s’emparer de ce qui n’avait pas été emporté. Et cette fois, ce ne fut pas un vol simulé, mais un vol réel, avec effraction véritable, escalade, etc.

— Lupin, bien entendu.

— Non, Lupin n’agit pas aussi stupidement. Lupin ne tire pas sur les gens pour un oui ou un non.

— Alors, qui est-ce ?

— Bresson, sans aucun doute, et à l’insu de la dame qu’il avait fait chanter. C’est Bresson qui est entré ici, c’est lui que j’ai poursuivi, c’est lui qui a blessé mon pauvre Wilson.

— En êtes-vous bien sûr ?

— Absolument. Un des complices de Bresson lui a écrit hier, avant son suicide, une lettre qui prouve que des pourparlers furent engagés entre ce complice et Lupin pour la restitution de tous les objets volés dans votre hôtel. Lupin exigeait tout, « la première chose (c’est-à-dire la lampe juive) aussi bien que celles de la seconde affaire. » En outre, il surveillait Bresson. Quand celui-ci s’est rendu hier soir au bord de la Seine, un des compagnons de Lupin le filait en même temps que nous.

— Qu’allait faire Bresson au bord de la Seine ?

— Averti des progrès de mon enquête…

— Averti par qui ?

— Par la même dame, laquelle craignait à juste titre que la découverte de la lampe juive n’amenât la découverte