Page:Leblanc - Arsène Lupin contre Herlock Sholmès (La Dame blonde suivi de La Lampe juive), paru dans Je sais tout, 1906-1907.djvu/61

Cette page a été validée par deux contributeurs.

présent ? Elle n’a rien à craindre de vous ?

— Ni de personne.

— Quoi qu’il arrive ?

— Quoi qu’il arrive. Je ne sais plus son nom ni son adresse.

— Merci. Et au revoir. Car on se reverra, n’est-ce pas, M. Sholmès ?

— Je n’en doute pas.

Il y eut entre l’Anglais et Ganimard une explication assez agitée à laquelle Sholmès coupa court avec une certaine brusquerie.

— Je regrette beaucoup, M. Ganimard, de n’être point de votre avis. Mais je n’ai pas le temps de vous convaincre. Je pars pour l’Angleterre dans une heure.

— Cependant… la Dame blonde ?

— Je ne connais pas cette personne.

— Il n’y a qu’un instant…

— C’est à prendre ou à laisser. Je vous ai déjà livré Lupin. Voici le diamant bleu… que vous aurez le plaisir de remettre vous-même à la comtesse. Il me semble que vous n’avez pas à vous plaindre.

— Mais la Dame blonde ?

— Trouvez-la.

Il enfonça son chapeau sur sa tête et s’en alla rapidement, comme un monsieur qui n’a pas coutume de s’attarder lorsque ses affaires sont finies.

— Bon voyage, maître, cria Lupin.

Il n’obtint aucune réponse et ricana :

— C’est ce qui s’appelle filer à l’anglaise. Ah ! ce digne insulaire ne possède pas cette fleur de courtoisie par laquelle nous nous distinguons. Pensez un peu, Ganimard, à la sortie qu’un Français eut effectuée en de pareilles circonstances ! Sous quels raffinements de politesse il eut masqué son triomphe !… Mais, Dieu me pardonne, Ganimard, que faites-vous donc ? Allons bon, une perquisition ! Mais il n’y a plus rien, mon pauvre ami, plus un papier. Mes archives sont en lieu sûr.

— Qui sait ! Qui sait !

Lupin se résigna. Tenu par deux inspecteurs, entouré par tous les autres, il assista patiemment aux diverses opérations. Mais au bout de vingt minutes il soupira :

— Vite, Ganimard, vous n’en finissez pas.

— Vous êtes donc bien pressé ?

— Si je suis pressé ! un rendez-vous urgent !

— Au Dépôt ?

— Non, en ville.

— Bah ! et à quelle heure ?

— À deux heures.

— Il en est trois.

— Justement, je serai en retard, et il n’est rien que je déteste comme d’être en retard.

— Me donnez-vous cinq minutes ?

— Pas une de plus.

— Trop aimable… je vais tâcher…

— Ne parlez pas tant… Encore ce placard ? Mais il est vide !

— Cependant voici des lettres.

— De vieilles factures !

— Non, un paquet attaché par une faveur.

— Une faveur rose ? Oh ! Ganimard, ne dénouez pas, pour l’amour du ciel !

— C’est d’une femme ?

— Oui.

— Une femme du monde ?

— Du meilleur.

— Son nom ?

Mme Ganimard.

— Très drôle ! très drôle ! s’écria l’inspecteur d’un ton pincé.



Pour se rendre au dépôt, Lupin commande son ballon dirigeable


À ce moment, les hommes envoyés dans les autres pièces, annoncèrent que les perquisitions n’avaient abouti à aucun résultat. Lupin se mit à rire.

— Parbleu ! est-ce que vous espériez découvrir la liste de mes camarades, ou la preuve de mes relations avec le tsar ? Ce qu’il faudrait chercher, Ganimard, ce sont les petits mystères de cet appartement. Ainsi ce tuyau de gaz est un tuyau acoustique. Cette cheminée contient un escalier. Cette muraille est creuse. Et l’enchevêtrement des sonneries ! Tenez, Ganimard, pressez ce bouton…

Ganimard obéit.

— Vous n’entendez rien ?

— Non.

— Moi non plus. Pourtant vous avez averti le commandant de mon parc aérostatique de préparer le ballon dirigeable qui va nous enlever bientôt dans les airs.

— Allons, dit Ganimard, qui avait terminé son inspection, assez de bêtises et en route !

Il fit quelques pas, les hommes le suivirent.

Lupin ne bougea pas.

Ses gardiens le poussèrent. En vain.

— Eh bien, dit Ganimard, vous refusez de marcher ?

— Pas du tout.

— En ce cas…

— Mais ça dépend.

— De quoi ?

— De l’endroit où vous me conduirez.

— Au Dépôt, parbleu.

426