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Et comme il s’ingéniait, dans la mesure de ses modestes ressources, à faire plaisir à sa fille, il débattit le prix et versa la somme de soixante-cinq francs.

Au moment où il donnait son adresse, un jeune homme, élégant de tournure et de mise, et qui furetait déjà de droite et de gauche, aperçut le meuble et demanda :

— Combien ?

— Il est vendu, répliqua le marchand.

— Ah !… à Monsieur peut-être ?

M. Gerbois salua. L’inconnu lui dit :

— J’ignore le prix que vous l’avez payé, monsieur. Je vous en offre le double.

M. Gerbois est un homme entêté, et d’assez mauvais caractère. Il répondit sèchement :

— Je regrette, monsieur, il n’est pas à vendre.

Le jeune homme le regarda fixement, puis tourna sur ses talons sans mot dire, et se retira. Et M. Gerbois fut d’autant plus heureux d’avoir son meuble qu’un de ses semblables l’avait convoité.

Une heure après, on le lui apportait dans la maisonnette qu’il occupe sur la route de Viroflay. Suzanne s’extasia devant son cadeau. Le soir même, elle rangea ses papiers, sa correspondance, ses collections de cartes postales, et quelques souvenirs furtifs qu’elle conservait en l’honneur de son cousin Maxime. Et M. Gerbois s’endormit d’un sommeil léger.

Le lendemain à sept heures et demie, il se rendit au lycée. À dix heures, Suzanne, suivant une habitude quotidienne, l’attendait à la sortie. Il s’en revinrent ensemble. Avant le déjeuner, la jeune fille monta dans sa chambre. Le secrétaire n’y était plus

…Ce qui étonna le juge d’instruction, c’est l’admirable simplicité des moyens employés. En l’absence de Suzanne, et tandis que la bonne faisait son marché, un commissionnaire muni de sa plaque — des voisins la virent — avait arrêté sa charrette devant le jardin qui précède la maison, et sonné par deux fois. Les voisins, ignorant que la bonne était dehors, n’eurent aucun soupçon, de sorte que l’individu effectua sa besogne dans la plus absolue quiétude.

À remarquer ceci : aucune armoire ne fut fracturée, aucune pendule dérangée. Bien plus, le porte-monnaie de Suzanne, qu’elle avait laissé sur le marbre du secrétaire, se retrouva sur la table voisine avec les pièces d’or qu’il contenait. Le mobile du vol était donc nettement déterminé, ce qui rendait le vol d’autant plus inexplicable, car, enfin, pourquoi courir tant de risques pour un butin si minime ?

Le seul indice que put fournir le professeur fut l’incident de la veille.

— J’ai eu l’impression, dit-il, que lors de mon refus ce jeune homme avait réprimé un mouvement de contrariété.

On interrogea le marchand. Il ne connaissait ni l’un ni l’autre de ces deux messieurs. Quand à l’objet, il l’avait acheté quarante francs, à Chevreuse, dans une vente après décès, et croyait bien l’avoir revendu à sa juste valeur. L’enquête poursuivie n’apprit rien de plus.

Mais M. Gerbois resta persuadé qu’il avait