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ARMELLE ET CLAUDE

dans la couche de vase, parmi la chevelure des roseaux et la fleur sournoise des renoncules. Elle baigne le pied des murs. Sur leur reflet voguent les lentilles et les feuilles de nénuphar. Spectacle troublant, d’une séduction indéfinissable. Les yeux et les rêves en sont captifs.

Là jadis, songeaient ou disaient Armelle et Claude, là jadis ont eu lieu de formidables combats. Les machines de guerre enjambaient les douves et s’accrochaient à l’enceinte. S’aidant les uns les autres, soldats et capitaines grimpaient sous l’averse des pavés, des boulets et du plomb fondu. Ou bien c’est la nuit. À l’abri des ténèbres se glissent de silencieux fantômes. L’escalade commence. Armes ni cuirasses ne résonnent. Il y a moins de bruit encore que les autres nuits, comme si la nuit était complice. Et c’est plutôt l’angoisse de l’espace qui avertit le veilleur. Alors un tumulte s’élève, cris d’appel, cliquetis d’épées, hurlements de colère et de terreur. Des masses noires culbutent dans le vide.