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ARMELLE ET CLAUDE

Et ce fut un délice également de s’assimiler à ces choses qui ne savaient point d’où elles venaient. Il se sentait comme elles, allégé de souvenirs. Son passé se désagrégeait, et les bribes des vieilles amours, des chagrins de jadis, des ambitions et des soucis, restaient en route, noyées dans l’écume, éparpillées, dans l’espace. Libérée d’entraves, sa vie n’appartint plus à telle époque déterminée. Elle s’affranchit de l’heure et du siècle, et fut de tous les temps, comme le bercement du bateau, l’éclat des fleurs, les rives vertes et les nuages gris.

Mais soudain Claude avisa au-dessus de lui, en plein ciel, une arche audacieuse qui reliait les deux falaises. La voile fléchit. On la carguait. À l’aide des rames on atterrit sur la gauche, en un petit port entouré de rochers et vers lequel descendaient des groupes de maisons.

Ayant monté la rampe du quai, Claude aperçut, au seuil d’une auberge, un jeune paysan qui tenait un cheval à la bride et