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ARMELLE ET CLAUDE

rieur et plastique du projet qui devait séduire d’abord et même accaparer l’imagination d’une femme. Réduite à sa propre vision elle ne le pouvait entrevoir qu’à travers une mise en scène originale, compliquée de détails un peu puérils et de circonstances romanesques. Le chemin de fer est un mode de locomotion vulgaire, non l’eau d’un fleuve ou le dos d’un coursier. Et l’incertitude de l’étape n’ajoutait-elle pas un élément de mystère et de poésie ?

Complaisamment Claude s’offrit aux sensations dont Armelle le voulait orner. Elles furent d’ordre plus précieux qu’il ne le supposait. Sans choc ni bruit la barque glissait sur l’ondulation des petites vagues, aussi aisément que voguait là-haut la flotte des nuages sur l’onde du ciel. Et sa vie partagea la fuite des choses. Le vent poussait tout cela, la barque, les nuages et la vie, vers des buts inconnus, comme un berger fou qui chasserait son troupeau devant lui, au hasard. En quelle terre aborderait-on ? C’était un délice de l’ignorer.