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ARMELLE ET CLAUDE

campagne, dressant des embûches, souhaitant la mort de qui j’aimais à la passion. Il s’agit de dévorer l’ennemi, de se nourrir de son énergie et de sa volonté. C’est un duel de sauvages. Les pires instincts sont en jeu. Qu’on cite dans l’histoire une belle action, une seule, qui soit inspirée par l’amour. Des exploits, des massacres, d’imbéciles sacrifices, soit, mais pas une action belle, pure, morale, qui réjouit l’âme et donne de l’émulation. Donc, ajouta-t-il, nous en sommes au même point d’écœurement, et de mépris, n’est-ce pas ?

— Oui, répondit-elle encore, oui.

Il s’inclina pour que chaque parole tombât et résonnât en elle comme des pièces de métal que l’on jette en un vase.

— Alors, qu’espérez-vous ? Quel but proposez-vous à votre existence ? Savoir marcher seule et sans appui n’implique pas que l’on doive toujours marcher seule. La vie est dure pour une femme isolée. Il faut qu’elle aime, comme les autres, plus que les autres. Et, si vous ne trouvez pas un amour excep-