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ARMELLE ET CLAUDE

leur crier : « Je t’aime beaucoup, mais j’aime aussi la sensation du voyage, j’aime les bois, les champs, les cathédrales, les vieilles murailles… » On eût dit que j’évoquais autant de maîtresses. Je partais quand même. Alors on ne m’écrivait pas. Mon plaisir en était gâté et mon amour atteint.

Après quelques minutes de silence il dit :

— Ce serait si facile de s’aimer simplement, dignement, hautement. Que faut-il pour cela ? Rien que la confiance. Si on ne l’a pas, pourquoi s’aimer ? Si on l’a, pourquoi n’être pas bon, indulgent aux fautes, aux coquetteries, respectueux devant toutes les manifestations de l’instinct. Nos tendances méchantes et despotiques ne s’exaspèrent que si on les déchaîne une première fois. À la moindre tentative de leur part, qu’on les écrase, et ça suffit, on ne souffre plus, on n’est plus jaloux. Pourquoi ne pas aimer comme on aime Dieu, avec patience, avec recueillement, avec simplicité ? Pourquoi ne pas accepter la nature de qui l’on