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ARMELLE ET CLAUDE

Certains souvenirs le hantaient visiblement. Ses gestes étaient nerveux. Se contenant, il prononça :

— Ainsi la lassitude ne tardait pas. Me lassais-je parce que j’étais trop enchaîné ou mes chaînes me pesaient-elles parce que j’étais las, je ne sais. Toujours est-il que je me réveillais lié, muselé, ficelé, harnaché, sans amis, sans droits, sans refuge autre qu’auprès de celle que je n’aimais plus. Et c’étaient ces fins de liaison abominables où l’on se déteste de ce que chacun reprend ce qu’il a donné, où chaque effort de beauté personnelle paraît une trahison. Dans mes souvenirs, l’histoire de ces ruptures tient une telle place qu’elle empiète sur les heures les plus douces, et quand j’aime maintenant, c’est avec appréhension, je suis las d’avance de toute la lassitude inéluctable. Dès le début je songe à la fin, et l’idée que je dirai : « Je t’aime » lorsque je n’aimerai plus, m’empêche de le dire sincèrement lorsque j’aime. Et je sors de tout cela plein de remords… oui, des remords…