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ARMELLE ET CLAUDE

niers qui parviennent à se rejoindre la nuit, à tâtons, dans une cellule obscure. Leur joie crée de la lumière, du soleil.

— Lumière factice, joie relative…

— Oui, je m’en suis aperçu à la longue. Les aunées m’apportèrent des envies d’indépendance, de dignité, de contrôle personnel : je n’ai pu les assouvir et j’ai souffert. Remarquez que je ne me plains pas de celles qui m’ont fait du mal. C’est moins de leur faute que de la mienne. Au début, averti par mes dernières expériences, je me défiais de moi, nous restions libres l’un de l’autre. Mais cela ne me suffisait point. Je m’imaginais ne tenir dans cette existence de femme qu’une place insignifiante et moi-même ne me soucier d’elle que médiocrement. Alors, peu à peu, je tendais mes mains aux fers. Je faisais une concession : on m’en faisait une. Je m’isolais : on s’isolait. Les femmes sont plus fortes que nous à ce métier. Leurs concessions ne sont qu’apparentes, les nôtres sont réelles… et puis la lutte nous ennuie, elles jamais.