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ARMELLE ET CLAUDE

il faut que je vous voie et que vous me voyez, sinon je ne sais que faire.

La neige ne tombait plus. Elle recouvrait l’immensité de sa blancheur monotone. Après la tourmente un grand calme planait. La nature s’était unifiée. Les champs, les marais, les routes, tout se confondait comme une ébauche à lignes indécises. Là-bas, sous le vêtement de flocons, étaient-ce des tas de sel ou des huttes d’hommes ou des meules de foin ?

Ainsi ils avaient enseveli leurs rêves. Comme sous les plis d’un linceul, ils gisaient, ces rêves, indistincts les uns des autres. Les formes qui soulevaient le linge immaculé étaient-ce des tombes, des cadavres ?…

Ils ne se souvenaient plus de rien. Ivres d’espace, grisés de sensations neuves, ils couraient sur les plaines vierges où nul chemin ne les importunait. Ils couraient en un besoin irrésistible d’action. Leurs paroles chantaient comme des cris de victoire, et leurs gestes se libéraient.