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ARMELLE ET CLAUDE

Armelle se dégagea d’un geste doux. La chaleur des lèvres fondait sa volonté.

— Je vous aime, proféra Claude.

Elle frémit. Jamais il n’avait dit ces mots de cette voix ardente, où grondaient sa jeunesse refoulée et son exaspération d’homme. Elle se sentit si proche et si lointaine de lui que, s’il l’eût touchée, elle se fût abandonnée peut-être ou enfuie pour toujours.

La peur lui inspira des phrases quelconques. Elle ne put les achever, car elle s’avisa que Claude épiait le mouvement de sa bouche, les formes diverses qu’imposaient les syllabes, la soie tendre et humide de la peau, le pli souple des coins. Qu’allait-il faire ? Elle mordit ses lèvres nerveusement, irritée qu’elles fussent molles, captives d’un regard, prêtes à se livrer s’il tentait de les prendre.

Mais ayant levé les yeux sur lui, elle se rassura. Visiblement il souffrait, et son désir râlait sous quelque pensée cruelle. Songeait-il qu’un autre avait joui de cette bouche ?