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ARMELLE ET CLAUDE

Une fille de ferme courut à la recherche des clefs. En attendant ils suivirent les murs par des sentiers que heurte la bosse des rocs moussus ou qu’amollit l’humidité des marécages. De très hautes courtines, coiffées de créneaux, parées de mâchicoulis, trouées de baies et de brèches, joignent six gros donjons à trois étages de fenêtres. Là aussi le temps a jeté des draperies de verdure et, là aussi, le passé dort dans les eaux défuntes, parmi l’ombre grêle des roseaux et le reflet des tours.

— Oh ! le passé, le passé, fit Armelle…

Ils contemplaient les coulisses du pont-levis et le relief des armes seigneuriales. Et Claude dit :

— Nous sommes plus près de ceux qui sont morts, voici mille ans, que de ceux qui naîtront demain. Il n’y a pas d’interruption entre le passé et nous, il y a des abîmes entre nous et l’avenir. L’avenir est vague, peuplé de formes indistinctes… Le passé, c’est notre chair elle-même. La voix de nos semblables nous appelle. Des bras se tendent.