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biné, trop habilement préparé. Comment se fait-il que l’automobile soit arrivée à six heures moins cinq, juste au moment où e sortais, où je devais sortir du parc de Villeneuve ? C’est donc que l’on était prévenu ? Par qui ? Quel est l’espion, le traître dont il faut que je me défie autour de moi ?

Mme Ernemont était livide. Ses mains tremblaient. Elle protestait encore quand la petite Germaine entra.

— Ah ! te voilà, dit Geneviève à l’enfant.

Geneviève la prit sur ses genoux et la caressa, et, à mesure que ses blanches mains effleuraient le front et les cheveux de la petite, celle-ci, craintive d’abord, se défendait et souriait.

— Écoute, chérie, j’ai à te remercier… oui, tu as très bien fait de m’écrire cette lettre… cela prouve ton bon cœur.

l’enfant ne protesta même point, et la jeune fille reprit :

— Seulement il faut me dire comment tu as su cette histoire ? Pourquoi y avait-il du danger pour moi à l’étang de Villeneuve ? Tu peux parler… monsieur est notre ami… Comment as-tu été avertie ?

— J’ai entendu, répondit la petite, j’ai entendu deux personnes qui causaient.

— Peux-tu les nommer ? Ne crains rien, on ne leur fera aucun mal… Je t’assure que ce n’est pas pour leur faire du mal que je t’interroge… Qui est-ce ?

— Mon frère.

— Comment s’appelle-t-il, ton frère ?

— Jules.

— Que fait-il ?

— Il est mécanicien. Il conduit des automobiles.

— Et l’autre personne ?

— Il s’appelle Varnier.

L’enfant parlait comme si vraiment, elle n’eût pas pu ne pas parler. C’était la voix de Geneviève qui lui déliait la bouche et l’obligeait, à l’aveu.

— Ils ont causé devant toi ?

— Ils croyaient que je dormais. Mais j’ai entendu et je vous ai écrit…

— Pourquoi m’as-tu écrit ?

— Parce que j’ai eu peur pour vous… et que je vous aime.

— Comment ton frère et ce Varnier savaient-ils que je devais aller à l’étang de Villeneuve ?

— Je ne sais pas.

— Ils n’ont pas parlé d’une personne,