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ne sert à rien… il ne faut pas faire de bruit autour de soi… Appeler la justice !… voir son nom dans les journaux !… Jamais !… La vie est déjà assez difficile pour une jeune fille…

Geneviève semblait confondue. Elle regardait sa grand’mère comme un être nouveau qu’elle ignorait. Et elle lui dit de son ton de petite personne réfléchie :

— Tu te trompes, grand’mère, je ne songe pas du tout à invoquer l’aide de la justice, et, moins encore que toi, je ne voudrais attirer l’attention sur nous. Mais je crois qu’il serait bon de rechercher nous-mêmes…

— Pourquoi ? pour te venger ?… pour faire du mal ?…

— Oh ! grand’mère, quelle idée ! comme si j’étais capable de faire du mal !… Non, mais pour savoir quels sont mes ennemis, et pour me défier d’eux !… sans quoi demain ils recommenceront… et cette fois !…

— Tu n’as pas d’ennemis ?

— Si grand’mère, j’en ai.

— Où ?

— C’est ce que je vais savoir.

Elle sonna. Au bout d’un instant la petite bonne apparut.

— Anna, lui dit-elle, les demi-pensionnaires sont parties ?R

— Je crois, mademoiselle.

— Il n’est pas huit heures. Germaine Caze doit être encore là.

— En effet, mademoiselle, elle attend dans le vestiaire que sa sœur vienne la chercher.

— Dites-lui que j’ai à lui parler.

Anna sortit.

— Germaine Caze, dit la vieille dame…

— Oui, grand’mère, la lettre a été écrite par Germaine Caze

— Tu le supposes.

— Non. En te demandant de comparer toi-même la lettre et les devoirs de mes élèves, je voulais te convaincre. Mais moi je savais d’avance la vérité.

— Et comment ?

— Germaine Caze a la mauvaise habitude, dont je n’ai pas encore pu la corriger, de terminer tous ses a par un petit crochet tout à fait caractéristique. Or il y a huit a dans la phrase.

— Simple hasard… Non, vois-tu, Geneviève, n’insiste pas…

— Il le faut, grand’mère. L’enlèvement dont j’ai été victime a été trop bien com-