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— Oh ! ma chérie, comme tu as dû avoir peur !… Je n’oublierai jamais, monsieur… je vous le jure… Mais comme tu as dû avoir peur, ma pauvre chérie !

— Allons bonne maman, tranquillise-toi puisque me voilà…

— Oui, mais la frayeur a pu te faire mal… On ne sait jamais les conséquences… Oh ! c’est horrible… Et dire qu’on ne connaît pas, qu’on ne connaîtra jamais le nom de ces misérables ! T’enlever, toi ! pour quel motif ? Ah ! si l’on pouvait trouver !

— On trouvera, grand’mère.

— Hein ? tu as des indices ? une preuve ?

— Oui.

— Sérieuse ?

— Très sérieuse, et qui nous suffira largement à découvrir le mot de toute cette énigme.

— Est-ce possible ! est-ce possible !

Ils étaient arrivés devant le perron. La vieille dame pria le prince d’entrer et le conduisit dans le petit salon. Et, prenant les mains de Geneviève avec une sorte d’angoisse qu’elle ne cachait pas :

Alors, tu pourrais savoir ?… Tu as une preuve ?

Geneviève tira la lettre de sa poche.

— Et cette lettre d’avertissement ?

— Mais tu ne sais pas qui l’a écrite.

— Si.

— Allons donc ! c’est une écriture déguisée ; on s’est servi de la main gauche…

— Je l’ai cru d’abord, ou plutôt la conviction s’est imposée à moi. Mais en y réfléchissant dans la voiture, j’ai pensé que, seule, une de mes élèves avait pu, pendant la récréation, venir, sans être remarquée, fermer la porte à clef, puis, plus tard, jeter un caillou. Alors, j’ai examiné la feuille, et tout de suite j’ai été fixée. C’étaient là des caractères comme en tracent mes débutantes.

— Laquelle ? En voilà des idées !

— Regarde toi-même, grand’mère… Ce n’est pas une écriture déguisée, c’est une écriture d’enfant. Votre avis, monsieur ?

Elle développa la feuille sur la table et continua :

— Rien n’est plus facile… Je n’ai qu’à prendre les cahiers de devoirs de mes élèves et à comparer.

D’un geste Mme Ernemont saisit la feuille et vivement la déchira.

— Qu’est-ce que tu fais ! grand’mère, s’écria la jeune fille interdite.

— Tu n’as pas besoin de chercher… ça